Frôler la mort au Laos

Bus de nuit au Laos

Le bus se gare à la station. Je suis l’avant-dernière à monter et on m’offre un sac en plastique pour y mettre mes chaussures avant de monter à bord. En montant les petits escaliers pieds nus, il m’a fallu quelques secondes pour réaliser que dans cet autobus, ce n’étaient pas des bancs, mais des lits à deux étages ! Woahhh, je suis tout excitée, tellement que je pousse un petit fou rire en m’avançant dans l’allée en regardant une femme qui me sourit. J’essaie de lui expliquer que dans mon pays on n'a pas ça et que c’est pour ça que les petits touristes que nous sommes trouvons cela bien drôle, mais on n’arrive pas à se comprendre et on en rit.

Le soleil se couche. Que la ride commence…

Et pas qu’une petite ride…

Couchée sur le côté j’essaie de me relaxer dans mes couvertures comme je peux, mais je roule d’un bord et de l’autre du petit lit. Je pense que dans les quelques premières heures du trajet, il n’y a pas eu de ligne droite durant plus d’une minute. Couchée sur le dos ça bouge un peu moins, mais mon estomac ne semble pas apprécier. La route est ultra sinueuse. Je n’arrive pas à voir très bien dehors puisqu'il fait nuit, mais la lueur de la lune est suffisante pour me faire réaliser qu’on roule à flanc de montagne, que la route est en terre et qu’elle est ultra étroite. À chaque grosse courbe, le chauffeur klaxonne pour avertir les voitures qui arrivent dans l’autre direction.

Qu’est-ce que je fous ici ?

Trop tard pour rebrousser chemin, je ferme mes yeux et tente de m’endormir. À peine 10 minutes à somnoler qu’un bruit me réveille en sursaut.

Quoi encore ?

Je regarde par la fenêtre et le bus est arrêté. Il fait nuit. Honnêtement, c’est le genre de truc que je trouve plutôt excitant. Le moteur tente de redémarrer sans succès. Le troisième essai est le bon. Et on continue, tourne à droite… tourne à gauche..! J’ai du mal à me rendormir, j’ai l’impression que mon estomac se promène d’un bord et de l’autre dans mon ventre. Il fait nuit, c’est silence dans le bus, mais la femme devant moi parle super fort au téléphone. Je me croirais dans un film.

22h00, Arrêt pour manger et aller aux toilettes.

Vite vite, je cours vers la salle de bain, plus de 5 heures sans arrêt, tassez-vous il faut que je fasse pipi… Mon enthousiasme disparaît sèchement à la vue de la dite salle d’eau. C’est un véritable insectarium !

Sans blague je pense que c’est l’endroit où j’ai pu observer parmi les plus beaux papillons que je n’avais jamais vus. Mais bon…

Dans le restaurant, aucun touriste aux tables. Je suis la seule blanche et on m’observe avec curiosité. Je ressors mon dessin de riz que j’avais fait plus tôt dans la journée et le montre à la cuisinière en lui souriant et en lui parlant doucement en anglais. Je sais qu’elle ne comprend pas un mot de ce que je dis mais je préfère ça plutôt que de rester muette en lui présentant mon bout de papier. Finalement, elle me sort un menu en anglais. Je m’exclame OHHH ! On rit. Je me sens un peu niaiseuse, j’aimerais vraiment pouvoir parler aux gens. Bref, bien utile ce petit menu anglophone! Comme ça au moins je pourrai savoir exactement ce que j’ai commandé. Sauf que la plupart des plats sur le menu me sont inconnus. Étant végé, je ne prends pas de chance et demande un simple bol de riz. Blanc. Straight.

À peine deux minutes plus tard on m’apporte une immense soupe aux nouilles, avec une gigantesque pièce de viande qui flotte au centre du bol. Mes yeux si figent, mais j’ai l’impression que mon visage ne ment pas. J’ai le haut le coeur! Sauf que mon petit déjeuner est bien loin et qu’on arrivera pas avant encore une dizaine d’heures. J’ai la dalle!

Je décide de manger les nouilles en tassant avec dédain la viande dans un coin du plat. Tout le monde me regarde. Je ravale mon dédain, décoince l’expression de mon visage, prends mes baguettes et commence à manger. N’y pense pas Élise. Juste mange! Après avoir mangé un max de nouilles blanches, je laisse mon assiette, traverse la rue, hop au petit comptoir sombre et j’attrape un paquet de ramen pour la route.

Le chauffeur klaxonne. Tout le monde rembarque. C’est reparti.

Je ne sais pas ce qu’il a mangé, mais il semble qu’il conduit plus rapidement que tout à l’heure. La vitesse augmente puis on met rapidement les freins qui font un vacarme couineur, la route est détruite. On passe une coupe de bosses et de trous, on a du mal à sortir d’une crevasse, mais le véhicule reprend de la vitesse. On accélère avant de remettre les freins aussi brusquement à peine 100 mètres plus loin. Ça a été comme ça pendant 20 minutes. Arrête repars, arrête repars… On prend les courbes assez raides, tellement que le bus fait un sorte de grincement chaque fois.

Les heures passent. 11h, Minuit, 1h… Avance, freine, tourne, klaxonne, accélère, break, klaxonne encore, tourne & tourne encore..! Moi qui pensais passer une nuit paisible sur mon petit lit d’autobus, bienvenue au Laos ma belle ! Ou bien j’ai les doigts croisés et les pieds crispés ou bien mes mains sont accrochées aux barreaux de mon lit. J’ai la chienne !!! Après avoir vu qu’on roulait vraiment sur le bord du précipice, je me suis promis de ne plus regarder dehors. Je me suis aussi promis que la prochaine fois, j’allais prendre le petit bateau qui descend tout doucement le fleuve du Mékong.

1h30 AM : On fait un autre arrêt pipi. Tiens tiens, pas de salle de bain, cette fois c’est tout le monde en ligne, au bord du chemin les filles accroupies, les gars debout. Je pense que tout le monde a tellement envie qu’on oublie d’être gênés.

Je suis au milieu du nord du Laos, la ride de bus brasse tellement que, non seulement j’ai failli tomber en bas de mon lit à deux reprises, mais je me suis aussi demandé c’était quoi le processus avec mes assurances en cas de blessures graves par accident de la route, je me suis retrouvée avec une assiette de carnivore devant moi alors que j’avais demandé un petit riz blanc inoffensif, pour finir mon souper avec un sac de ramen beaucoup trop épicé qui m’a mis la bouche en feu durant 45 minutes, et finalement, je viens de m’accroupir devant une dizaine d’inconnus qui font pipi. Je sais pas si c’est la fatigue ou la nervosité, mais de retour dans l’autobus après cette scène complétement saugrenue, j’ai éclaté de rire en dessous de mes couvertes. Je suis morte de rire… Et ça ne fait même pas 24 heures que je suis au pays. Si la Thaïlande m’en a mis plein la vue, le Laos lui, me jette brusquement en dehors de mon confort voir carrément en bas de la falaise (on verra)…

Plus que 5h de route. Je ferme les yeux et tente de me reposer.

Je sens quelque chose sur mon bras gauche, ça m’agrippe, me brasse. Je plisse les yeux. Je me sens étourdie. J’entends une voix que j’ai du mal à déceler, c’est une langue que je ne comprends pas.

J’ouvre les yeux, c’est le matin, une femme laotienne de l’autobus me tient par le bras et me fait signe qu’on est arrivé. On est arrivés ? Je suis en vie ?

Dehors il fait gros soleil, il est 7h du matin et il fait déjà 30 degrés. Je me sens poquée.

On dirait que je viens de me réveiller d’un énorme lendemain de veille… que s’est-il passé ?

Je suis toute déboussolée pas réveillée, mon cerveau est au ralenti, mais le pays lui, ne chôme pas !

Je sors du bus et déjà la routine d’accueil qui commence, TUK TUK ! Downtown miss ! Luang Prabang downtown ! Guesthouse ! Cheap ride ! TAXI ! Je swing mon sac sur mon dos et m’éloigne à pied, laissant derrière moi tout ce brouhaha.

Une introduction prometteuse pour les aventures à venir !

N’ayant aucun plan & aucune attente en venant ici, j’avais quand même essayé de repérer sur la map du pays, les plus petits villages éloignés où je pourrais aller me perdre pour être bien dépaysée. Mais une fois sur place, j’ai comme l’impression que je n’aurai pas à aller bien loin.

À nous deux, terre laotienne…