Voyager avec ses peurs

Peur (n.f) (latin pavor, -oris)

Sentiment d'angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d'un danger, réel ou supposé, d'une menace.


Et si nous faisions place à nos peurs et qu’on les laissaient nous guider vers ce sur quoi nous devons travailler ?


On décrit souvent les voyageuses solitaires comme étant des femmes courageuses.

On qualifie comme étant accomplies et braves, celles qui ont eu cet élan un jour, d’attraper leur passeport, leur sac à dos et de monter à bord d’un avion sans se retourner. Elles nous inspirent, nous ouvrent une certaine fenêtre sur ce qu'il est possible de faire. Elles éclairent une route qui était restée dans l’ombre jusqu’ici.

Vu de l’extérieur, elles sont belles à voir aller et leur passion arrive même à nous amener à nous questionner « Pourrais-je faire cela un jour ? » « Serais-je capable moi aussi, de sauter le pas ? » Une passion qui, vue de l’extérieur, nous inspire un vent de fraîcheur, mais cette inspiration arrive souvent accompagnée de sa grande amie, la comparaison. 

On se demande si c’est la démarche à suivre pour être heureuse, si pour être courageuse il faut nous aussi, tout quitter et partir. On aspire soudainement à sortir de notre zone de confort, sans même savoir où se trouvent les limites de cette zone qui nous ait propres. À défaut de se connaître, nous utilisons les barèmes des autres, pour décider si nous sommes courageuse ou non.


Et si je vous disais que ces voyageuses solos ne sont pas toutes courageuses ? Et si je vous disais que cet élan peut arriver démuni de toute peur, du moins pas démesurée ? 

Et si être courageuse n’était pas synonyme de se jeter dans le vide, ni même d’avancer sans peur, mais tout simplement d’arriver à regarder nos peurs en face et de les inviter à nous accompagner sur le chemin de la vie ? 

 
 

Parfois, je regarde les voyages qui se trouvent dans mon rétroviseur et je ne peux m’empêcher de me dire… « mais à quoi j’ai pensé, je ne ferais jamais cela aujourd’hui » . Partir seule sur le pouce en Thaïlande pour atteindre un village isolé, sans électricité et vivre auprès d’une tribu dans une petite cabane de bois au beau milieu d’une rizière. J’ai certaines peurs aujourd’hui, qui n’étaient pas présentes il y a quelques années alors que certaines, se sont complètement dissipées. Je pense notamment au besoin de plaire que l’on a quand on à vingt ans, le désir d’être encouragée par les autres, la peur de ne pas être approuvé par ses proches… ces craintes qui nous habitent alors que notre identité n’est pas complètement assumée. Je semblais peut-être bien courageuse à certains égards, mais j’étais pourtant apeurée face à des aspects imperceptibles par l'œil. Quoi qu’il en soit, ces peurs étaient bien réelles il y a quelques années et qui peut réellement dire que j’ai été courageuse face à celles-ci ?  

Nul ne peut juger du courage de quelqu’un à simple vue d'œil, puisque non seulement nos peurs sont imperceptibles par autrui, il est impossible de savoir vraiment si la personne en question les fuit ou les affrontent et c’est pourtant ça qui fait toute la différence!

Être courageuse, ce n’est pas sauter dans un train sans être préparé, ce n’est pas de tout quitter pour voyager ni même de partir vivre à l’étranger. Courageuse est celle qui voit ses peurs, les écoute, mais choisit quand même d’avancer. Courageuse est celle qui voit les obstacles se dressant sur le chemin de ses rêves, mais dont l’amour de son itinéraire et de sa destination est plus fort et plus puissant que l’adversité à venir.

Courageuse est celle qui entreprend un long parcours à l’université sachant bien que ce dernier sera ardu.

Courageuse est celle qui sera bientôt maman, effrayée par ce qui s’en vient, mais à la fois animée par l’amour et la grande responsabilité qu’est d’élever un petit être. 

Courageuse est celle qui accepte de se voir enfin dans la glace, avec ses beautés et ses cicatrices et prend la décision de guérir ou de faire la paix avec ses blessures du présent et du passé. 

Courageuse est celle qui accepte enfin de voir ses peurs et ses difficultés en face et demande l’aide dont elle a besoin pour les surmonter. 

Courageuse est celle qui fait face à une conversation, même si elle sait que cette dernière sera complexe.

Courageuse est celle qui ne prétend pas être parfaite ni dure à cuire, mais plutôt celle qui connaît… Oh qu’elle connaît ses lacunes et ses vulnérabilités et avance avec elles. 

Courageuse, est chaque femme qui ose visiter ses parties les plus sombres. Celle qui choisit de cesser de se cacher derrière un faux voile de fierté pour enfin, apprendre à aimer simplement qui elle est, réellement. 

Certains sont terrifiés par leur propre personne, tant leur part d’ombre que de lumière. De penser que quelqu’un pourrait arriver à percevoir leur vulnérabilité à travers leur regard les terrifient. Ils doivent être forts, rigides et admirés pour ce qu’ils projettent et travaillent à maintenir intacte cette projection. Ils misent tout sur les succès et les renforcements se trouvant à l’extérieur d’eux-mêmes et deviennent ainsi dépendants du regard des autres, plutôt que de travailler de l’intérieur. Ça fait un temps, mais peut-on appeler cela du courage ? Ne nous laissons pas berner par l’illusion que la femme qui voyage seule est courageuse ou pire, chanceuse. Car elle, comme nous toutes d’ailleurs, avançons sur le chemin de la vie avec nos propres peurs. Le courage n’est pas déterminé par le fait d’avoir peur ou non, mais par l’audace d’oser regarder en face ce que l’on craint et de l’accepter comme étant une partie de soi. 

Les voyageuses solos ne sont pas courageuses

« Je ne tente pas d’anéantir ma peur. Je ne lui déclare pas la guerre. Bien au contraire, je lui fais de la place. [ ...] Tu as le droit d’avoir un siège, tu as le droit de t’exprimer, mais tu n’as pas le droit de vote. »

- Elizabeth Gilbert


Et si nous choisissons de vivre avec douceur et bienveillance envers soi, avant tout.  Et si nous choisissons davantage le fait d’accueillir, de regarder, de s’intéresser et de se questionner, plutôt que de rivaliser, combattre, réagir et résister ?

Et si nous observions nos peurs, pour enfin voir là où faisons vraiment preuve de courage ?

Bon voyage belles âmes

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