Devenir nomade digital - Du rêve à la réalité

Un nouveau métier, ou plutôt une nouvelle façon d’organiser sa vie, Mélanie, 28 ans & son copain ont sauté le pas vers un mode de vie plus libre. Aujourd’hui, ils parcourent le monde en tant que nomades digitaux.

Le voyage n’est pas une passion, c’est devenu un mode de vie. À tel point que je ne dirais pas que je « voyage » à proprement parler. Je vis un peu par-ci par-là, je vagabonde dans plusieurs pays, je vais où le vent me porte. Je n’ai pas l’impression de voyager, juste de vivre au jour le jour.


Quand as-tu réalisé qu’avoir une carrière à temps plein ne pourrait pas te permettre de concilier ta vie avec le voyage?

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Je l’ai réalisé très tôt. Déjà lors de mes premiers stages en agences de publicité lorsque j’étais en école de communication. Je me sentais coincée, j’essayais de faire de mon mieux pour me conformer au moule, mais rien n’y faisait. Je me sentais complètement à côté, pas à ma place, en dehors. J’étais physiquement là, mais mon esprit lui était déjà loin, et je savais pertinemment que ma vie future ne ressemblerait jamais au fameux « métro-boulot-dodo ». Je n’avais rien, rien de construit, rien d’acquis, un avenir complètement flou, mais ça, j’en avais la certitude. Après ces stages, je n’ai même pas cherché d’emploi, je ne voulais juste pas. Je voulais me débarrasser des chaînes qu’on avait commencé à me mettre aux pieds, je voulais travailler pour moi, dans mon sens, en accord avec mes valeurs et pour me construire un avenir dans lequel je serais libre. Je voulais miser sur moi, tout simplement.

J’avais peur, bien sûr, et cette peur elle est toujours là, au quotidien. J’ai juste appris à me servir de la peur comme moteur et non comme frein, chaque jour elle est présente, mais sous la forme d’un bon ami, qui m’aide à avancer. Petit à petit, je l’ai dompté et je l’ai transformé en énergie positive.

Rêver de voyage en secret

Mélanie vient de Lille, au nord de la France ou elle y a fait ses deux premières années d'études. Elle entretenait en secret le désir de faire sa dernière année de Fac à Séville, mais n’en avait parlé à personne afin d’éviter de se faire décourager par l’inquiétude et le jugement de ses proches.

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“Je viens d’une famille de fonctionnaires, où la sécurité et la stabilité prévalent sur le reste et sont plus importantes que tout. Alors mon besoin de voyage (que j’ai depuis très jeune) ils ne l’ont jamais vraiment compris, car c’est aux antipodes de leur mode de vie, donc je gardais ces envies pour moi la majeure partie du temps.

Au début, ce n’est pas facile. De s’émanciper de l’influence familiale, de son aval, de son jugement. Il en est de même pour les amis, qui ont du mal à nous voir évoluer, changer, nous éloigner d’eux et de leur mode de vie. Les débuts n’ont pas étés faciles, mais avec un peu de temps on finit par faire de bonnes rencontres, inspirantes, qui nous tirent vers le haut, qui croit en nous. On se refait un nouveau cercle, plus moteur et porteur. Et ça galvanise. Dans tous les cas c’est toujours difficile d’être en dehors du moule, et ça le restera. Le regard des gens est parfois compliqué à gérer, personne ne comprend vraiment ce que tu fais, où tu vas, ils pensent que ce n’est qu’une « passade ».

Encore aujourd’hui des gens très près de mon entourage me disent quand ils me voient « alors, tu te poses quand ? » ou encore « ça y est, vous êtes de retour pour de bon ? ». C’est un combat du quotidien de faire comprendre que c’est le mode de vie que tu as choisi, que ce n’est ni temporaire ni une lubie. C’est juste ma vie.

Le digital ou comment se lancer dans l’inconnu

Mel est aujourd’hui directrice artistique web & s’occupe principalement de créer des identités visuelles et des designs de sites web. Elle a un Bac économique et social en France (équivalent au Cégep au Québec), une licence en économie & droit (équivalent d’un Baccalauréat au Québec) et un master (soit une maîtrise au Canada) en communication visuelle et un an de plus en technique audiovisuelle.

La forte demande dans ce domaine a fait en sorte que Mélanie s’est progressivement spécialisée là-dedans après ses études en communication. Appelée par la liberté de mode de vie, elle s’est remonté les manches & a décidé de créer son statut de travailleuse autonome, une décision assez déroutante au départ, mais les avantages qu’offre cette façon de travailler ont fait en sorte qu’elle n’a jamais pu y renoncer.

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Son conjoint et elle ont quitté leur statut de travailleuse autonome pour se lancer en affaires ensemble. Ils sont aujourd’hui gérants d’une société de communication digitale qui harmonise à la perfection leurs deux dadas. Mel s’occupe de la partie artistique & lui, le côté marketing & technique. Ils travaillent parfois des journées de 10 heures et d'autres de deux heures, mais font en moyenne entre 25 et 35 heures par semaine. Avec un salaire d’environ 20 000 euros par an (soit un peu plus de 30 000 CAD), leur horaire varie en fonction des projets & des missions. Lorsqu’ils ont traversé l’Europe, ils travaillaient les week-ends afin d’éviter les foules sur les sites touristiques.

Cette liberté nouvellement acquise a dévoilé une facette considérable au jeune couple, la possibilité de travailler à partir de n’importe où dans le monde via un laptop. Ils ont contracté la fièvre du voyage il y a de ça un peu plus d’un an, lors d’un tour de l’Europe en van pendant lequel ils ont continué de travailler à distance.

“On restait à peu près un mois dans chaque pays, on louait des apparts, on essayait de vivre comme les gens du pays. Depuis, nous voulons continuer dans cette voie, nous ne sommes pas prêts de nous poser !”

Qu’as-tu fait pour organiser ta vie de sorte que tu puisses continuer à voyager?

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J’ai commencé en effet à organiser ma vie en fonction de mes besoins et à œuvrer pour mon futur. Je me suis mis à mon compte, j’ai choisi un métier dématérialisé (le web) pour avoir le moins de contraintes possible et ne pas me rajouter de chaînes ou de barrières inutilement, et j’ai commencé à trouver mes premières missions, mes premiers contrats. Petit à petit j’ai réajusté le tir, je me suis débarrassée des contrats qui ne me convenaient pas, qui me demandaient trop d’investissements ou de concessions. Je choisis maintenant mes clients en fonction de ce que j’aime, de ce qui me correspond, de ce que je me sens capable de faire. Ça fait un peu prétentieux dit comme ça, mais ça n’est pas le but, c’est juste qu’à force du temps qui passe, je me connais de mieux en mieux et j’ai appris ce que je voulais, ce que je ne voulais plus. Récemment je me suis débarrassée d’encore plus de chaînes, à savoir les attaches matérielles. Ce fut encore une autre étape et un autre cheminement, mais au final une vraie délivrance. Posséder moins, être moins encombrée m’a permis de faire le tri également dans mon esprit et de me sentir beaucoup plus légère et moins soucieuse.

On ne le soupçonne pas, mais c’est une vraie thérapie en fait ! Aha.

Petit aparté au niveau des chaînes : J’ai remarqué qu’on ne s’en débarrasse jamais totalement, on finit toujours par s' enchaîner d’une manière ou d’une autre, à se coincer dans un schéma nocif, dans un nouveau moule. C’est un combat du quotidien d'œuvrer pour sa liberté, de se remettre en question chaque jour en se disant : comment je me sens, suis-je toujours libre, ce que je fais m’épanouit toujours autant ?

Ce n’est jamais, jamais acquis.


As-tu fais des sacrifices pour vivre ainsi?

Bien sûr.

Déjà, je sacrifie ma tranquillité d’esprit, ma sécurité financière et ma stabilité. Ce sont des choses que j’ai mises de côté en étant entrepreneuse, car rien n’est jamais gagné, il faut apprendre à vivre en ne sachant pas de quoi demain sera fait, c’est le jeu et il faut en accepter les règles. On peut se retrouver demain sans rien, et il faut pouvoir dormir tout en sachant ça, certaines personnes n’y arrivent pas, moi j’ai dû apprendre à vivre avec.

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Ensuite, je culpabilise presque constamment de ne pas évoluer parmi mes proches, et de ne pas pouvoir assister à leur évolution. C’est un énorme sacrifice qu’exige le voyage, que beaucoup d’entre nous connaissent bien, mais ça aussi il faut apprendre à vivre avec. Gérer leur absence au quotidien, les anniversaires manqués, mais aussi les petits moments de vie simples tels que faire la cuisine ensemble ou se prendre un thé. Ne pas voir grandir mes neveux est l’un des plus grands sacrifices auquel je suis confronté aujourd’hui, même si j’espère que de loin, ils sont fiers de leur tatie. Finalement, on renonce aussi à un certain confort. Changer de lieu toutes les semaines ou tous les mois, c’est parfois vraiment fatigant. Ne plus avoir de cocon, aussi. Ne plus pouvoir se poser « à la maison », avoir constamment ses affaires dans une valise ou dans un sac à dos.

J’ai une certaine facilité à me sentir chez moi très facilement partout. Mais parfois (par exemple là, quand nous sommes revenus en France après notre tour d’Europe), j’ai l’envie de poser mes bagages quelque part, d’avoir un nid ou défaire mes valises, m’installer un peu avant de repartir. Il y a un proverbe très sage de l’arbre et de la pirogue qui dit :

« Tout homme est tiraillé entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue, c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité. Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue. »

Je pense profondément qu’il faut trouver un juste milieu entre nomadisme et sédentarité pour être bien dans sa peau et équilibré. C’est pourquoi j’aimerais trouver prochainement un pied à terre en France pour me poser les semaines, ou les mois où je ne vis pas dans d’autres pays. J’en ai besoin pour respecter mon équilibre, et me sentir bien. Et ça je l’ai compris seulement cette année.  



Des conseils pour ceux qui souhaitent se lancer ?

Se spécialiser dans un domaine bien précis, et devenir expert. Être très généraliste n’inspire pas spécialement confiance, et on peut facilement se retrouver noyé dans la masse. Ensuite, bien entendu, il faut monter en compétences, se former perpétuellement et accepter des choses qu’on ne sait parfois pas faire. Parce qu’une fois qu’on se retrouve face à ces choses qui nous sont inconnues, on doit se former pour répondre à la demande du client, donc on trouve le moyen de savoir comment faire, et on finit par monter en compétences comme cela. Ça nous challenge, et ça nous pousse à apprendre toujours plus, à repousser nos limites.

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Elle suggère également à ceux qui débutent dans le web de passer par des plateformes de pigistes et d’y créer un beau profil, très complet avec beaucoup d’avis certifiés (ça inspire davantage de confiance). Également, on doit veiller à ne pas négliger les profils linkedin, viadéo, ainsi que le potentiel d’un portfolio ou site internet.

Ce genre de mode de vie peut porter à l’isolement, c’est pourquoi il est important de sortir travailler dans un espace de co-working, de s’entourer des bonnes personnes et de réseauter un maximum !  Les débuts peuvent être longs & fastidieux, mais Melanie insiste sur le fait de ne pas se décourager. ”Ça en vaut la peine.”

Est-ce que ton emploi te permet d’assurer ton futur financièrement?

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J’espère que notre société de communication nous assurera un avenir financier stable, en tout cas, on travaille tous les jours dans ce sens. Après, on se challenge quotidiennement pour trouver de nouveaux petits business à monter sur le web « en plus », pour avoir des à-côtés, histoire de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Espérons que tout cela suffise pour nous assurer un bon futur, dans tous les cas j’ai confiance en moi, en nous et en notre potentiel, je sais que quoi qu’il arrive on parviendra toujours à rebondir, à monter autre chose, à entreprendre ... Je n’ai aucune inquiétude là-dessus, j’ai laissé la peur à la porte depuis bien longtemps.

L’indépendance financière est importante, car je vois l’argent comme un moyen, non comme une fin. Je n’ai que faire d’un compte bancaire rempli, avec de l’argent bien au chaud. Ce que je cherche c’est d’accéder à de nouvelles expériences, de ne me priver de rien, de profiter pleinement de la vie sans avoir à me soucier de l’aspect monétaire déjà trop omniprésent dans notre société. Ce que je veux, c’est gagner suffisamment d’argent pour ne plus jamais parler d’argent. Je voudrais ne plus jamais avoir à y penser, je voudrais oublier cette dimension monétaire, l’occulter pour toujours.

Bien sûr, c’est impossible, mais c’est toujours bien de rêver.



Qu’est-ce que le voyage t’apporte ?

Énormément d’inspiration. Sur un plan spirituel, il contribue à mon équilibre, à mon ouverture d’esprit. Grâce à lui je vois tout plus clairement, tout devient limpide. Il me fait entrevoir le champ infini des possibles, et je pense que c’est pour cela que je l’aime tant. Il m’apporte aussi énormément de force, au quotidien, pour faire face au monde, pour être celle que je suis. Il me renforce un peu plus chaque jour, grâce au voyage je m’affirme, je prends confiance en moi, je m’élève.

Malgré ton emploi, sens-tu que tu t’imprègnes de la culture des pays que tu visites?

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Dans notre tour d’Europe, ce qui est magique, c’est qu’on avait le temps de non seulement prendre du temps pour nous, mais aussi s’imprégner du mode de vie. Passer un mois entier dans un pays en mode « slow travel » nous permettait de faire une multitude de choses : se lever en même temps que les travailleurs pour aller prendre le métro, le tram et travailler en ville, vivre au rythme du pays et de ses habitants, découvrir les us et coutumes, mais aussi prendre du temps pour se perdre en pleine nature, se ressourcer, découvrir des merveilles lors de magnifiques randonnées ... on a eu du temps pour tout, vraiment, même si on a l’impression que ça passe toujours trop vite, avec le recul je me rends compte qu’on a eu de la chance de pouvoir passer autant de temps dans chaque endroit. Là, pour les 100 jours de road trip aux États unis, ça va être bien différent et bien plus sportif, et j’espère profondément ne pas me perdre en voulant respecter un itinéraire trop ambitieux, ou en voulant cocher tous les points d’une To do list. Je ne veux pas tomber dans ce type de schéma, après... rendez-vous dans 120 jours pour le bilan ! aha

Quelle est ta définition de la liberté?

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La liberté, c’est chaque jour se rendre compte que l’on est le propre détenteur des clefs qui nous libèrent de nos chaînes. La liberté c’est un état d’esprit, c’est de se rendre compte qu’on est capable de tout, que tout est atteignable, que le champ des possibles est immense. La liberté, c’est de prendre la vie comme un jeu, de comprendre que rien n’a d’importance, que rien n’est réel. C’est aussi quand on sent que la peur ne nous paralyse plus, qu’elle ne régit plus nos vies. Et que l’on peut désormais avancer sans contraintes, sans dépendance, sans chaînes. Pour une définition plus personnelle, ma liberté se trouve dans le fait de pouvoir travailler quand je veux, d’où je veux, avec qui je veux. C’est de pouvoir me réveiller un matin à Bali, un autre en Roumanie. C’est de pouvoir décider de mon avenir, de ne le laisser entre les mains de personne. C’est de pouvoir tout tenter, tout oser sans ressentir de peur, en ayant confiance en la vie et en moi. Enfin, c’est de pouvoir profiter pleinement de chaque instant que la vie m’offre, et de me coucher chaque jour en étant certaine de ne rien avoir à regretter. 

Ton plus beau voyage ?

Ma vie. C’est un beau voyage pour le moment.

Un message que tu souhaiterais partager à la communauté

De ne pas attendre « le bon moment », parce qu’il n’existe pas. De foncer, de ne rien reporter au lendemain; de ne jamais « se contenter » de quelque chose, d’oser tout et de vivre très fort.

Le métier de nomade digital t’intéresse ? Je t’invite à visionner cette entrevue réalisée par Travel Mate France en collaboration avec Welcome to the jungle students.

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