Ce que 10 ans de voyage autour du monde m'a appris

À la simple écriture de ce titre, je me revois.

Je me revois du haut de mes 19 ans, la tête pleine de rêves qui me semblaient si grands, si lointain que je n’aurais même pas osé m’imaginer si tôt nager de dans.

Sac sur le dos, passeport à la main et enlacé de mes proches. C’était sans me douter que cet instant était probablement le plus important de tous, mais il me fallait partir pour le découvrir. J’avais besoin de voler de mes propres ailes pour mieux apprécier ce qui était ou plutôt, pour trouver et affirmer ma place à travers tout cela. J’avais besoin de me définir à travers mes propres yeux plutôt que les leurs. Pour une certaine période, du moins.

J’avais ce besoin intense de partir pour me définir au-delà de ce qui m’entourait. Au beau milieu de cette tornade de nouveauté et d’inconnu, je devins mon propre repère, mon propre ancrage. C’est probablement ce qui fait que le voyageur se sent chez soi, peu importe où il va. C’est ce qui fait que le changement, l’environnement et les tracas externes ne l'affectent plus autant. Le voyageur devient sa propre boussole.

C’est ce que je croyais, du moins…

Puis, les années ont filées, une et puis une autre, bientôt cinq et puis maintenant, dix ans.

Ils furent quelques années pour que je réalise qu’une boussole n’est utile qui si elle sait où se trouve le nord.

Dans tout Québécois de vieille souche coule un mélange de trappeur et d’explorateur. Sa boussole indique toujours un nord à remonter.
— Marcel Mélançon / L'Homme de la Manic ou la terre de Caïn

J’ai longtemps cru que les frontières n’étaient qu’une illusion, une tactique pour mieux séparer les humains, j’avais tort.

Sans frontière, il n’y a pas de respect. Sans frontière, il n’y a pas d’unicité. Sans frontière, il n’y a ni culture, ni identité.

La frontière dit « Voici qui je suis en tant qu’humain ». « Voici qui nous sommes en tant que peuple ». Les frontières attirent le respect et l’affirmation de soi et d’une culture. C’est lorsque celles-ci sont brouillées que chacun s’empare un peu de l’un et de l’autre comme dans un buffet.

Les polynésiens sont ceux dont j’ai été le plus inspiré à travers ces années à parcourir le monde. Alors que ma terre d’accueil, le Costa Rica, comme plusieurs pays du monde d’ailleurs, se fait américaniser un peu plus chaque jour, les maoris eux se tenaient droits et fiers de leurs racines.

À l’époque de l’évangélisation, considérée comme quelque chose de mal & d’indécent, la pratique de la danse devient interdite par la loi. Les polynésiens pouvaient pour la plupart faire croire qu’ils s'agenouillent aux principes de l’église mais jamais ils n’ont laissé le feu de leur culture s’affaiblir. Les troupes se réunissaient la nuit, loin des regards, pour danser & vivre leur culture dans la pénombre.

Ils ont tracé la ligne, dressé une frontière et affirmé tantôt en privé, tantôt au monde entier, la force de ce qui les rassemblent. Cette frontière, c’est ce qui les as protégé de l’assimilation.

J’ai longtemps romantisé le voyage, cru qu’il me montrait que tout le monde était bon, j’avais tort. Il m’a plutôt amener à m’approcher de la lumière et de m’éloigner de ce qui en était l’opposé. De faire preuve d’empathie, mais de tourner les talons sans la moindre rancune. L’analogie des frontières, vous la voyez ? Le monde est rempli d’être qui tenteront de vous définir, de piller vos ressources internes, externes ou de groupe, c’est comme ça. Est-ce dommage ? Je ne sais pas. Pas lorsqu’on apprend à devenir fort devant cela, j’ai envie de dire.

S’unir et se tenir dans l’adversité, n’est ce pas là une grande beauté ? Une redoutable fierté ?

Le voyage ne nous apprend ni à devenir autosuffisant ni à avoir la confiance ultime en tous et chacun. Il nous apprend l’écoute de notre intuition, à lire les visages et les situations pour s’outiller à mieux se protéger, soi et ceux que l’on aime. Il nous aide à devenir solide, protecteur et fort tout en restant hautement perméable à la beauté. Il nous apprend à mieux choisir de quoi nous nous laissons imprégner et à qui nous ouvrons les bras.

Ce que ces dix années de voyage m’ont apprises ? Une quantité innombrable de trucs certes, mais j’aime bien dire en riant qu’au final, à bien y réfléchir, elles ne m’ont pas apprises grand-chose si ce n’est que le voyage n’est pas la vie, c’est plutôt la vie qui est un voyage. Et même encore ça, ce n’est pas le voyage, mais bien la vie, qui me l’a appris…

Le voyage ne nous crée pas et ne nous rend pas meilleur. J’hésite même à affirmer qu’il nous transforme. J’ai plutôt l’impression qu’il nous force à perdre le nord, pour qu’on se batte ensuite à le retrouver.

Car qui n’a rien à perdre, n’a rien à protéger, rien à affirmer…

Dix ans plus tard ? Les choses n’ont pas si changées que ça, car les valeurs et les choses importantes restent et resteront toujours. L’amour, l’amitié, l’importance de contribuer à la société, d’apporter du bon à sa communauté, et j’en passe.

Je me revois du haut de mes 19 ans comme je me vois aujourd’hui, des rêves (un peu plus grands) plein la tête et de l’amour plein le coeur. Prête à contribuer, à aimer et à célébrer cette vie qui nous unit.

Bon départ… ou retour, chers amis. Car au bout du compte, c’est du pareil au même.

xx

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