Le voyage. Amour d'une vie ou flirt passager?

Je vivais ma vie tranquille. Métro, boulot, dodo cela n’était pas plus mal. Certes, les jours se ressemblaient, mais n’ayant pas conscience que ma vie pouvait être différente, j’y adhérais naturellement sans trop y réfléchir. C’était facile puisque tout le monde vivait ainsi autour de moi.


Ma meilleure amie et moi rêvassions souvent autour d’un verre de rouge, discutant jusqu’au petit matin de tous ces projets que l’on pourrait mettre en place. L’ouverture d’un café en Équateur, d’un studio de yoga au Mexique ou d’un petit commerce à Bali, mais on se satisfaisait d’en rêver… Du moins, jusqu’à ce que tu te manifestes.

Ma vie était un fleuve tranquille, sans trop de tracas ni d’excitations jusque là, mais voilà que tu es entré dans ma vie.


Tu m’as emmenée loin. Très loin.

Loin de qui je croyais être.

Loin de ce que je pensais être “le monde”.

Loin de ce que je croyais être “la vie”.

Loin de tout ce que j’avais connu d’ici là.

Tu m’as déroutée.

Loin de ma conception du monde, tu m’as traînée.

Tu m’as donné ce qu’ils appellent « la piqûre ».

Tu m’as donné cette envie de tout quitter, de partir, mais plus encore, tu m’as donné la soif de découvrir et de m’ouvrir.

Tu m’as donné foi en mes rêves et m’a fait prendre conscience que toutes ces aspirations ne tiraient pas de la folie ni de l’illusion, mais du caractère de la femme que j’étais au fond.

Tu m’as forcée à agir et à commencer à vivre. Tu m’as poussée à partir, à quitter mon confort pour ne plus jamais y revenir.

Tu m’as ouvert la porte sur un monde qui autrefois ne vivait qu’à travers mon écran d’ordinateur, une vie dont j’avais cru inaccessible jusqu’ici.


Ensemble nous avons patrouillé les plages du Costa Rica à dos de motomarine. Nous avons remontés Mékong à bord d’une barque jusqu’à la frontière du Laos et plongé avec les raies et les requins de Haapiti en Polynésie française.

Tu m’as fait voir plus de choses en trois ans de voyage qu’en vingt ans de vie.


Comment pouvais-je retourner à ma vie d’avant après que tu m’aies ouvert les yeux sur notre monde et ces moindres racoins de notre planète où se cache toute cette beauté?

Comment pouvais-je désormais me contenter de mon vieil oreiller et de mon train-train quotidien après que tu m’aies ouvert ces portes sur cet univers réel digne d’un conte de fées?


Grâce à toi, j’ai pu découvrir la paix profonde procurée par l’acceptation que mon succès n’avait rien à voir avec mes possessions. Que la richesse du monde ne se cachait pas dans les biens matériels, le nombre de mots savants que je pouvais placer dans une phrase, ni le nombre de contacts que j’avais dans mon cellulaire, mais qu’elle est juste là, dans la nature et le coeur de chaque humain.

Tu m’as permis de découvrir ce qu’est l’essentiel, le juste assez et l’immense satisfaction qui s’en dégage.


…Mais un jour, j’ai dû revenir. La vie m’a amenée à rentrer au bercail, à redresser la voile et naviguer contre le vent, loin. Loin de toi.

Malgré mon amour pour toi, j’ai choisi de te mettre en second plan un instant. J’ai trouvé la force de m’éloigner de toi pour me construire plus solidement et m’enraciner plus fermement.

Pourtant, malgré la distance tu étais là, tout autour de moi. Tu te cachais dans chaque livre de ma bibliothèque, à travers les pages poussiéreuses de mes guides de voyage, dans le papier parchemin de la carte du monde suspendue au-dessus de mon lit, de mes imprimés de photos prises aux quatre coins de cette planète, là où autrefois, tu m’as transportée.

Quelles belles années nous avons partagées !


Tu as tellement fait pour moi, comment pourrais-tu n’être qu’un flirt passager?

Tu m’as réappris à vivre, comment pourrais-je t’oublier?


Aujourd’hui, je marche dans ma ville avec cette curiosité que tu as fait renaître en moi. Tout ce que tu m’as enseigné je le traîne chaque jour sous mes souliers. Je voyage ici et maintenant, à chaque instant. À travers une discussion, un plat ou une nouvelle rencontre.

Tu m’as éveillé.


Depuis, l’appétit envers ce monde, jamais je ne l’ai égaré.

La magnificence devant chaque ciel étoilé, chaque coucher de soleil ou chaque chant d’oiseau est restée.

Je redécouvre notre univers à chaque instant et tout cela, c’est grâce à toi.


Aujourd’hui, je dois apprendre à vivre sans toi, mais tu vis à travers moi.

À des miles de toi, je sais que tu es toujours là. Tu as fait renaître ma flamme, cette envie de découvrir et plus jamais ce plaisir de vivre ne seront plus pris pour acquis.

Tu vis à travers moi, et une fermeture des frontières jamais ne pourra changer cela.


Tout homme est tiraillé entre deux besoins, le besoin de la Pirogue, c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité, et les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre ; jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue.

- Mythe mélanésien de l’île du Vanuatu


Bon voyage.

xx



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